Je dois avouer que le spectacle m'a perturbé et fasciné
pendant toute la durée du film. D'un coup, comme ça,
on réalise qu'un long métrage, produit par Canal+ entre
autres, peut exister et être diffusé dans le circuit
national. Je savais que notre Dutronc d'Ile Rousse n'avait jamais
réussi
à financer son film " Les pointus". Le plus étrange
dans cette affaire, c'est que j'avais visionné une semaine
avant un film de Philippe Harel intitulé "Les randonneurs"
qui m'avait conforté dans mes convictions. Un film en Corse,
c'est possible à condition que le seul Corse de l'histoire
soit le décor...Et c'est tout de même ennuyeux. J'aurais
aimé
avoir cet Henri Graziani à portée de main pour lui poser
quelques questions ( sérieuses ), mais je ne l'ai pas retrouvé
sur mon agenda. C'est dommage car depuis que j'étais né,
il me semblait qu'un film tourné en Corse avec des acteurs
corses et des techniciens corses ne pouvait exister ou plutôt
n'avait existé que deux fois et bien sûr dans le cadre
d'une production locale à vocation locale ( FR3 Corse pour
ne pas la citer ).
DEUX
AUTRES SURPRISES ENCORE PLUS STUPEFIANTES |
La
première en 1967 lorsqu'un dénommé Ange casta avait
réalisé sa version de COLOMBA en noir et blanc
avec dialogues en corse sous-titrés en français ( C'était
une première à l'époque ). Le film est hélas
rarement diffusé à la télévision et remercions
ARTE de l'avoir fait il y a deux ou trois ans ( la prochaine diffusion
est prévue dans cinquante ans... ). Les images sont fortes, les
villages sont en pierres apparentes, les "strette" en terre,
les acteurs sont du cru et en velours. On peut imaginer la tête
des téléspectateurs de l'époque découvrant
un film en VO corse sur l'unique chaîne du service public... Il
y a d'ailleurs dans le film d'autres têtes assez perplexes, celles
des Anglais en voyage touristique et exotique se retrouvant en pleine
vendetta, esquivant les balles perdues...
La deuxième fois en 1983 avec un film ( encore prévu pour
la télévision ! ) de Pierre Cangioni ( un homme en général
spécialisé dans le sport ) intitulé SANTU NICOLI
avec Robin Renucci et Pierre massimi. Une autre histoire de vendetta
située aux portes de Balagne entre Lama et Pietralba ( je ne
peux pas m'empêcher de citer un dialogue du film où l'on
apprend que les élections ont commencé à Pietralba
et qu'il y a déjà deux morts... )avec en plus le difficile
choix entre l'exil sur le continent afin de faire carrière dans
la médecine et l'exil dans le maquis pour faire carrière
dans la vengeance d'un frère. Ici aussi, la majorité des
dialogues sont en Corse, mais la couleur est au rendez-vous. Seules
les rediffusions ne le sont pas. A quand une chaîne cablée
qui serait à la Corse ce que TV BREIZH est à la Bretagne
? Entre les productions locales et les productions nationales, la matière
ne manquerait pas, quoique pourraient en penser les détracteurs
de service. Et ne dites pas le contraire à M. Mattei de Porto
vecchio, fondateur de la Cinémathèque de Corse, A CASA
DI LUME et garant du patrimoine cinématographique de l'île.
Car de la pellicule, il y en a, surprises incluses. Ne nous méprenons
pas, les trois réalisations citées plus haut ne sont pas
légion mais en revanche, la Corse a une certaine affinité
avec le cinéma et elle en surprendra plus d'un.
Pour mettre un peu d'ordre dans tout cela, je
vous propose de faire un rapide tour d'horizon des rapports de la Corse
avec le cinéma. Ce ne sera pas simple de faire court et exhaustif,
mais on va s'en sortir.ll est possible de recenser
au moins trois sortes de produits cinématographiques relatifs
à la Corse. A savoir, les films Tino rossi, les films décors,
et enfin les films 50% corses écrits ou réalisés
par des Corses mais avec acteurs principaux continentaux. Pour ce qui
est des films 100% corses faits par des Corses eux-mêmes ( comme
votre site préféré ), c'est une autre histoire.
SANTU NICOLI doit les approcher et COLOMBA a été
produit dans les années 60, date à laquelle FR3 Corse
n'existait pas.
LES
FILMS TINO ROSSI ( SELON A TECHJA ! ) |
Tout comme les chansons de l'époque précantapopulucorsienne,
le folklore et les clichés ont régné en maître
dès 1921, date de la sortie de LES TROIS MASQUES
( Henry Krauss ). Sous un épais couvert de tragédie
grecque, les amours impossibles naissent, les frères sont
en pétard et les maquis en comptent plus que d'arbousiers.
Et c'est ce qui intéresse les producteurs et certainement
les spectateurs. Que vient faire Tino Rossi là-dedans ?
C'est simple, il a joué dans des films aux titres sans
ambiguités, MARINELLA et L'ILE D'AMOUR !
IL y aura un autre homme, plus célèbre et moins
inoffensif que notre Tino Rossi qui amènera des cinéastes
en Corse dont Abel Gance venu tourner son NAPOLEON en 1925.
Le plus curieux, c'est que des polémiques ( sur le traitement
de la Corse par l'Empereur ? ) naquirent à Bastia et non
à Ajaccio. Il est vrai que je n'aurais pas parié
que Napoléon était né à Bastia...
|
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LES
FILMS DECOR( SIFIES ) |
La
Corse a servi comme décor espagnol dans CELA S'APPELLE L'AURORE
de Bunuel ( 1956 ), de décor exotique dans ALERTE EN EXTREME-ORIENT
de Ronald Neame ( 1958 ), de décor sicilien dans LA LOI
de Jules Dassin ( 1959 ) et enfin de décor albanais dans AVRIL
BRISE de Liria Bégéja ( 1987 ). De là à
servir de décor érotique, le pas fut vite franchi et José
Bénazéraf y tournera un polar semi porno, UN EPAIS
MANTEAU DE SANG ( 1968 ) avant d'aller squatter les plages de St
Tropez.
Plutôt que d'abîmer les plages de Normandie et de produire
du soleil artificiel pour la lumière, il était plus pratique
de le faire en Corse. C'est ainsi que les plages du désert des
Agriates furent réquisitionnées pour simuler le débarquement
des forces alliées en 1 944. Il s'agit bien entendu du JOUR
LE PLUS LONG ( Ken Annakin, 1963 ).
La Nouvelle Vague nous a pondu un excellent film de jacques Rozier,
ADIEU PHILIPPINES ( 1962 ) dont la majeure partie ne se déroule
pas aux Philippines mais en Corse. Et enfin, Marco Ferreri emmènera
dans son bateau Mastroianni et Deneuve sur les côtes de Cavallo
pour y réaliser LIZA ( 1972 ).
Le plus récent de ces films décors est bien sûr
LES RANDONNEURS ( 1997 ), film intéressant et plaisant
qui n'a pas daigné faire une petite place pour un personnage
corse. Alors, M. Harel, vous n'y avez pas pensé ? Et pourquoi
le guide n'aurait-il pas pu être corse ?
Et
si vous en avez le temps, amusez-vous à reconnaître les
côtes corses dans OSS 117, dans L'ARBRE DE NOEL ou dans
LA SCOUMOUNE. Il semblerait même qu'une scène de
grotte sous-marine dans le premier INDIANA JONES ait été
filmé à Bonifacio, mais cela demande confirmation.
Henri
Graziani avait déjà un film corse à son actif,
mais en tant que scénariste pour Pierre Granier-Deferre, metteur
en scène de UN FILS ( 1972 ), avec Yves Montand dans le
rôle d'un truand corse installé à New York et qui
rentre au pays accompagner sans mère dans son dernier voyage.
Il faut voir Montand, gangster implacable, allumer une cigarette dans
la chambre de sa mère agonisante, se faire ordonner de l'éteindre
illico et s'exécuter sans broncher, lui qui doit avoir descendu
des dizaines de types comme on descend des pastis à l'heure de
l'apéritif en été. Une scène d'anthologie...
et une belle illustration du caractère des femmes corses.
Un autre Corse très connu se nomme José Giovanni. Plutôt
écrivain de polars, il a mis en scène plusieurs films
célèbres dont un pratiquement invisible, LA LOI DU
SURVIVANT ( 1967 ), une sombre histoire de maison close du côté
d'Ajaccio avec Michel Constantin dans le rôle principal. Eh oui,
pas de Corses toujours dans les rôles principaux, même si
c'est Giovanni qui réalise. Pour l'anecdote, on y voit déjà
de jeunes Ajacciennes fort appétissantes faisant transpirer Constantin
davantage que la chaleur estivale.
Il est à noter finalement que si des Corses sont à l'origine
de ces projets, on n'échappe malheureusement pas à certains
codes ou clichés ( les gangsters encore ! ), à la présence
de pseudos Corses à l'accent parisien ou pointu. Est-ce le prix
à payer à l'époque pour situer un film en Corse
? Il y a depuis longtemps une pléiade d'acteurs d'origine corse,
ceux déjà cités et aussi Bozzufi, Clementi, Ceccaldi
( quoique... ) sans compter ceux qui pourraient passer du théâtre
au cinéma.
Pour finir avec des personnes plus jeunes, les films de Pierre Salvadori
ont souvent fait référence à la Corse ( CIBLE
EMOUVANTE et LES APPRENTIS ), mais le dernier en date, COMME
ELLE RESPIRE ( 1997 ), voit sa deuxième partie entièrement
située en Corse. Et comme de bien entendu, l'actrice n'est
aucunement corse. Tout comme Anna jouée par Romane Borhinger
dans le téléfilm
de Carole Giacobbi, ANNA EN CORSE suivie de près par
sa grand-mère jouée par Micheline Presle. Le jeu de
ces personnes n'est pas à remettre en cause, ces films ont le
mérite
d'exister et de travailler pour l'image de la Corse mais la même
question se pose et se repose: " N'y a-t-il pas à Bastia
ou à ajaccio des acteurs et des actrices capables de tenir
ces rôles ? " . Par exemple, le Figolu de la BD de
Pétillon
ne pourrait-il pas être interprété par Teatru Mascone
si Christian Clavier ( On craint le pire ) met en route le film ?
J'en
entends déjà qui ricanent au fond de l'écran, mais
pour ma part, je serais ravi d'apprendre qu'une société
de production, que des studios, que des techniciens du cinéma
et des scénaristes soient basés en Corse et mettent en
place le véritable cinéma corse. Il faut évidemment
de l'argent ( pas si simple, il faut l'admettre ) et des personnalités
( de ce côté là, il y en a, tant dans l'île
que sur le continent ). Ensuite, il faut avoir de la matière
à filmer. Il existe déjà des tas de romans, classiques
ou contemporains, dont l'action se déroule en Corse. Il existe
aussi des faits historiques avec leurs protagonistes ( Non, pas que
Napoléon, n'est-ce pas Pasquale ? ) qui ne souffriraient pas
de la comparaison avec d'autres acteurs de l'Histoire française
ou internationale. L'on pourrait enfin tourner des fictions comme on
le fait ailleurs. Des histoires d'amour, des polars, des drames, des
films comiques, des tranches de vie, des films polémiques...
Bref, tout ce qui fait le cinéma. Une petite différence
pour terminer ? Les personnages corses seraient corses et parleraient
en version originale. Comme dans la vraie vie. Je ne sais pas ce que
l'on peut en penser, je ne sais pas si j'ai perdu la tête ( de
toutes façons, il faut la perdre un peu pour croire en quelque
chose ) mais je serais preneur. Et vous ?
Les
visiteurs de A TECHJA ! nous écrivent pour nous signaler quelques
réalisations entrant dans le cadre de cet article :
- LA LEZARDE réalisé par Gerard Leca de Marignana,
film 100% corse, mais avec dialogues en français.
- Plusieurs courts metrage exclusivement en langue Corse réalisé
par Dumè Maesrati (Porti Vecchju), dont : U CATALORZU
.
2
003, BONNE ANNEE POUR UN CINEMA CORSE |
-
Pour l' année 2 003, la Corse est en quatrième
position nationale pour le nombre de jours de
tournages accueillis dans l'île !
- 4 films à
grande diffusion nationale y ont été tournés :
" Le cadeau d'Elena " de Frédéric
Graziani, " Le silence " d'Orso
Miret, " 3 petites filles " de
Jean-Louis Hubert et " L'enquête corse
" d'Alain Berberian.
- Une nouvelle adaptation de Colomba a
été mise en boîte pour FR3 en 2 004.
- Une structure Corsica Pôle Tournage a été créée
en 2 002. Elle a constitué un fichier d'acteurs ( 150 comédiens,
100 figurants ) et de techniciens du cinéma ( une bonne centaine
) résidant en Corse.
Et
depuis ? |

Orso
Miret - 2 004 |

Pierre
Schoeller - 2 012 |
|
 |
 |
Thierry
de Peretti - 2 013 |
Thierry
de Peretti2 017 |
La
collèque de têtes de Maure

Ce n'est pas dans mes habitudes, mais
je ne sais plus où je l'ai trouvée... |
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