Peuplée
dès le néolithique avant J. -C., la Corse est entrée dans l’histoire
sous le nom de Kyrnos et le surnom de « Kallisté » ( « la plus belle »
). Ce haut lieu du tourisme a accueilli tour à tour les Torréns, les
Ibères, les Celto-Ligures, les Grecs, les Etrusques, les Phéniciens,
les Phocéens et les Carthaginois qui, tous, restèrent à bronzer sur
la plage plutôt que de tracer le sentier de grandes randonnées numéro
20 ( ou GR 20 pour les plus pressés ).
Les Romains colonisèrent l’île durant sept siècles et des calendes.
Ce qui laissa largement le temps au général Marius de distribuer des
terres à ses vétérans Bataves, Gaulois ou Germains. A leur contact,
les Corses se mirent à parler l’argot bas-latin avec l’accent traînant
du bon représentant de Casanis.
Au V° siècle de notre ère, les Vandales, qui portaient décidément bien
leur nom, saccagèrent l’île pendant une centaine d’années et importèrent
dans la plaine orientale l’anophèle, un moustique porteur du paludisme.
La mouche tsé-tsé, facteur de paresse, n’a, quant à elle, jamais survolé
la Corse: elle s’est endormie avant de l’atteindre. Une villégiature
d’une trentaine d’années suffit aux Lombards pour codifier la « dette
du sang » ou « vendetta », coutume qui réduit avantageusement les frais
de tribunaux. La règle en est enfantine. Supposons que la famille Mantegazziani
ait subi un affront de la part de Bruno Léandri. Les Mantegazziani devront
alors se venger en tuant non seulement Bruno, ce qui est la moindre
des choses, mais aussi le plus possible de Léandri. De leur côté, les
Léandri survivants tenteront d’occire un maximum de Mantegazziani pour
venger leurs morts. Au fil des ans, des générations et des poignards,
Léandri et Mantegazziani se trucideront ainsi allègrement ( même s’ils
ont oublié le motif de cette querelle ) car la malheur est censé s’abattre
sur la première famille qui rompt la chaîne.
Les Sarrasins n’occupèrent pas cette île catholique, mais ils y firent
de nombreuses incursions, chaque fois si brèves que les Corses ne surent
jamais distinguer les Barbaresques des Berbères, ni les Arabes des Maures.
De nos jours, cette confusion persiste.
Au XI° siècle, la Rome pontificale chargea les Pisans d’administrer
la Corse, mais, connaissant leurs penchants pour les constructions bancales,
leur demanda d’attendre l’arrivée des Génois pour se lancer dans des
travaux de construction. Grands bâtisseurs, les Ligures s’installèrent
sur l’île du XII° au XVIII° siècle et léguèrent à la postérité des tours
et des ponts que les connaisseurs nomment dans leur jargon obscur « tours
génoises » et « ponts génois ».
Un peu agacés par toutes ces allées et venues, les Corse débutèrent
en 1729 la grande révolte de l’indépendance. Vingt-six ans plus tard,
Pascal Paoli fut proclamé chef de la nation par le peuple, et despote
éclairé par Voltaire et Rousseau, pour une fois d’accord. Révolutionnaire
avant l’heure, Paoli reste méconnu. Plutôt que de prendre le pouvoir
en France et de mettre l’Europe à feu et à sang, ce Corse se contenta
de relancer l’économie de son île, d’imaginer l’université de Corte,
de donner le droit de vote aux femmes, de décréter la séparation des
pouvoirs, de rendre l’enseignement obligatoire et de lancer le fameux
slogan « les hommes naissent libres et égaux en droits ». Il donna à
la Corse une constitution républicaine qui aurait inspiré celle des
Etats-Unis. C’est du moins une opinion partagée par plus de Corses que
d’Américains.
En 1762, la Corse est pratiquement libre. Du passage de Paoli reste
principalement le drapeau à tête de Maure qu’il imposa et qui, à l’origine,
évoquait l’ancien ennemi vaincu. Cette explication est, selon les historiens,
la seule à être aussi vraisemblable qu’une vingtaine d’autres.
Afin de ne pas perdre la Corse, à laquelle elle tenait beaucoup, Gênes,
comme elle l’avait déjà fait dans le passé, loua les services militaires
de la France qu’elle rétribua en 1768 par la cession de l’île. Désormais
la fleur de lis cache la forêt de châtaigniers, le coq métropolitain
chante sur le dos de l’âne insulaire et Louis XV prend le maquis.
La Révolution institua le français comme langue obligatoire sur l’île,
contraignant Buonaparte à se transformer en Bonaparte, puis en napoléon
Ier. En 1790, la Corse devient un département français et la France
un continent.
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