Agé
à peine de six ans, le petit Leonardi Antoine s’amuse déjà à filmer
avec sa caméra 8mm des vaches ou des chèvres divaguant sur les terrains
communaux. Si la projection des rushes le satisfait du côté des images,
il ressent une légère frustration sonore. Qu’importe ! Le cousin américain
qui lui avait offert la caméra lors d’un retour au village lui ramènera
bien un magnétophone si Antoine le lui demande gentiment. Il pourra
ainsi proposer à ses invités des projections parfaites. Filmer l’âne
qui braie, le bruit des beignets au brocciu qui cuisent dans l’huile,
les vieux qui pratiquent le « chjame è rispondi », les salves d’honneur
à l’occasion des fêtes…
Vous aurez compris que cette histoire est inventée de toutes pièces
pour être estampillée label « A TECHJA ! », mais vous me concèderez,
je l’espère, qu’elle aurait très bien pu commencer ainsi. Son vrai
début se situe plutôt en l’an 1974, un jour qu’un ami de Leonardi
lui fait écouter fièrement le 45 tours vinyle qu’il est allé enregistrer
à Paris. Effrayé par la qualité désastreuse du son, Leonardi ne veut
pas décevoir son ami. Il parvient à répondre que c‘est un très joli
disque, mais que le prochain, ce serait mieux qu’on l’enregistre en
Corse parce que Paris, c’est loin, ça fait des frais, et puis le voyage
est long et fatiguant… C’est ainsi que peu de temps après, sort le
premier disque de François Orsoni – l’ami de Leonardi - produit et
enregistré par le studio RICORDU. En 1975, sort le premier disque
de CANTA U POPULU CORSU, le groupe corse par excellence, celui qui
a redonné au chant corse ses lettres de noblesse en rappelant à beaucoup
de compatriotes qu’il y avait une vie avant Tino Rossi.
En 1981, le studio s’installe sur les hauteurs d’Ajaccio, à Bastelicaccia
avec vue imprenable sur la mer et le golfe. La cantine est bonne,
les chambres sont confortables et le personnel aimable. Dès lors,
il n’y a pas de secrets. Quatre-vingts artistes corses se sont succédés
dans ces lieux pour y enregistrer pas moins de 2 500 titres. Il a
été vendu en 25 ans plus d’un million de disques, soit 100 000 albums
par an. Antoine Leonardi a distribué ses disques partout sur le continent,
mais aussi en Suisse, au Canada et même au Japon.
Pour fêter ce quart de siècle, RICORDU a sorti une compilation dont
vous voyez la pochette en bas de cette page ( qualité médiocre de
la photo pour un chargement plus rapide… ). On n’aime guère les compils
en général, mais nous avons craqué pour celle-là. Sur deux disques,
et pour un peu plus de 100 F, on aura un bon aperçu de la production
musicale corse, surtout si l’on a pris la Micheline en route ou si
l‘on est persuadé que les polyphonies sont nées avec les jeux olympiques
d‘hiver à Albertville. A vous d’acheter ensuite l’album de l’artiste
ou du groupe qui vous aura accroché. Sont-ils tous disponibles sur
CD à l’heure actuelle ? Ca, c’est une autre histoire.
En tout cas, vous conviendrez après une écoute attentive de la compilation
que chaque artiste a sa personnalité et sa façon, reconnaissables
dès la première note, que la musique corse n’est pas figée et qu’elle
a couvert bien des styles différents, que nous avons un vivier de
voix si belles et impressionnantes que l’on se demande parfois ce
que rajoutent les mères dans les biberons de ces futurs chanteurs.
Pour ma part, je me demande souvent pourquoi, Corse à 100%, je suis
incapable de chanter juste une seule phrase.
Si les deux CD ne vous suffisent pas et que le Père Noël n’est pas
encore passé chez vous, sachez que RICORDU devrait avoir sorti un
coffret « anthologie » avec CD, CD ROM, tirage numéroté et cotillons.
Vous aurez peut-être plus de renseignements sur le futur site de Ricordu
( ricordu.com ) .
Et la vidéo dans tout ça ? C’est l’autre activité de Ricordu avec
un département vidéo-broadcast créé en 1978 et dont on parle moins,
sauf entre professionnels. Des documentaires sur la N.A.S.A., sur
Airbus ou sur Air-France y ont été réalisés et le département intéresse
beaucoup de télévisions européennes. Pour finir, Ricordu propose aussi
une banque de données d’images sur la Corse, soit environ 4 600 séquences
insulaires.
Félicitations, M. Leonardi .