Longtemps les Corses ont
souhaité que les décisions concernant l’île soient prises par
des personnes compétentes, c’est-à-dire corses. Une petite
minorité veut que cette gestion politique et économique se
déroule en dehors de la République française parce qu’ils se
considèrent moins français que des néo-Calédoniens. Selon les époques
et les idées, ils se nomment autonomistes, terroristes, nationalistes,
indépendantistes ou Ange.
Dans les années 60, il n’était
encore question que de régionalisme, notamment dans les milieux étudiants,
même s’il ne s’agissait que d’une matière optionnelle.
A Bastia, aux élections législatives
de 1967, le docteur Max Simeoni, premier candidat régionaliste,
obtint 2,3 % des voix à la surprise de 87,7 % des électeurs.
Cette performance permit la création, un an plus tard, de l’Action
Régionaliste Corse (ARC) qui se voulait apolitique et préconisait
une assemblée régionale élue au suffrage universel tandis que
la SOMIVAC essuyait les plâtres des premiers plasticages.
L’époque est à la violence:
en 1968, on dépave les rues, le mot « lacrymogène » entre
dans le vocabulaire courant et des vachettes sont tourmentées
dans des émissions télévisées populaires. Le mouvement régionaliste
se radicalise, réclame une autonomie interne et n’hésite pas,
en 1969, à attaquer une mairie du littoral sans avoir pris
rendez-vous.
L’année suivante, la Corse
devient une région. Les indépendantistes sont heureux : ils
obtiennent ainsi de nouveaux bâtiments administratifs à plastiquer.
En 1973, les boues rouges
déversées par une entreprise italienne polluent les eaux bastiaises
et engendrent une légère contrariété qui se traduit par l’attaque
de la sous-préfecture de Bastia, le dynamitage d’un navire
italien et l’explosion d’une Caravelle.
1975 n’est pas une bonne
année pour le vin corse : certains crus ont un arrière-goût
de sang. Pour dénoncer les problèmes viticoles, un commando
d’œnologues autonomistes conduit par Edmond Simeoni, le frère
de Max Simeoni (appellation contrôlée), investit le 24 août
1975, près d’Aleria, la cave d’un viticulteur pied-noir soupçonné de
fabriquer son vin en oubliant le raisin. Cette occupation est
un geste symbolique qui métamorphosera deux gardes mobiles
en deux gardes immobiles.
Le 1er janvier 1976, la Corse
est divisée en deux départements: 2A et 2B. Les séparatistes
suivent l’exemple. Ainsi naîtront d’une part l’U.P.C. (Union
Du Peuple Corse), pacifiste et légaliste, résurgence de l’ARC
dissoute qui permettra à Max Simeoni de passer du maquis à la
députation européenne et d’autre part le F.L.N.C. ( Front de
Libération Nationale de la Corse), violent et futur clandestin
qui offrira à Ajaccio et Bastia des ruines plus récentes que
celles du centre préhistorique de Filitosa.
Durant les années 80, attentats,
sabotages et assassinats politiques se succèdent à raison de
plus d’un par jour. Il reste malgré tout de la place dans Nice-Matin
Corse pour évoquer les braquages et rackets de droit commun,
les conférences de presse des membres encagoulés du F.L.N.C.,
les changement de préfet ou de sigles des organisations, les
acquittements au bénéfice du doute, les libérations anticipées
ou la truite de 20 kilos pêchée par M. SAULI la veille dans
le Golo.
En 1991, la loi « Joxi » donne
plus de pouvoirs à l’assemblée corse, crée en 1982. Ses 51
membres sont dorénavant responsables de la politique économique
et culturelle de l’île. Comblés, les nationalistes se contentent
désormais d’utiliser leurs explosifs contre les administrations,
les résidences secondaires et les camps de vacances. Ils pensent
un temps à se débarrasser de leurs stocks de munitions devenus
inutiles, puis se ravisent….